Le rôle-méta de co-thérapeute dans le monodrame : un auxiliaire ego particulièrement utile
par Elisabeth LOISON APTER
1ère publication dans le Journal gratuit en ligne “Relation et Action”
Introduction
Dans le monodrame morénien classique humaniste, le client peut être invité par son thérapeute, en certaines occasions, à jouer le rôle de co-thérapeute, c’est-à-dire à être, pour un ou plusieurs moments, thérapeute aux côtés de son thérapeute. Cette technique de psychodrame – créée par Grete Leutz et appelée selon ses propres termes « alliance confraternelle psychodramatique » (Leutz, 1985) est d’autant plus importante en monodrame, que les membres du groupe (que d’aucuns considèrent comme des agents thérapeutiques essentiels) sont absents.
En effet, cette technique s’avère apporter – dans la relation thérapeutique – une contribution très utile au développement du climat relationnel. Il s’agit en effet, de développer les qualités du climat relationnel telles qu’elles sont définies par Carl Rogers. Ces qualités, ou « conditions » ensemble nécessaires et suffisantes sont au nombre de 3 : l’authenticité ou congruence : le thérapeute doit se trouver dans un état de cohérence interne, ce qui suppose qu’il soit conscient de ce qu’il vit, pense, ressent, pour pouvoir être authentique dans la relation à son client; la considération positive inconditionnelle (non jugement de la personne), faite de chaleur, de respect, d’acceptation : il s’agit que la personne puisse se sentir accueillie et estimée en tant que personne, telle qu’elle est, dans tout ce qu’elle vit, y compris de difficile, d’effrayant, pour accepter progressivement de s’accueillir elle-même, de s’estimer en tant que personne et de s’ouvrir à son vécu de plus en plus largement ; l’empathie : le psychothérapeute doit s’efforcer, non pas d’interpréter le vécu de son client, mais de comprendre – le plus justement possible – son cadre de référence, comme s’il était ce client, pour percevoir ce vécu comme le client le perçoit. Ces 3 conditions pour Rogers sont les facteurs qui facilitent le processus thérapeutique (Rogers, 1968, pp. 48-49).
Ainsi, grâce à la technique psychodramatique du changement de rôle – passage du client au co-thérapeute – non seulement la qualité de la relation du client avec son thérapeute va se trouver modifiée, mais encore et essentiellement, la qualité de la relation du client vis-à-vis de lui-même.
Dans le texte qui suit, après avoir présenté le fonctionnement concret de la prise du rôle de co-thérapeute par le client au cours d’un monodrame, nous considérerons la pertinence (et non pertinence) de l’utilisation de ce rôle –méta, ainsi que son utilité tant pour le client que pour le thérapeute et pour la relation client -thérapeute…
I – Déroulement d’une séance
Extrait de l’interview ELA/NA (cf notes de fin)
NA : – Comment l’amènes-tu (le co-thérapeute) ? Comme le fais-tu comprendre ? parce qu’il s’agit vraiment d’un co-thérapeute intérieur qu’on rend physique …
ELA : – Je n’explicite pas, je dis « Est-ce que ce serait ok pour toi de devenir mon co-thérapeute ? » Je n’explique pas plus que ça, même quand le client est invité à prendre ce rôle pour la première fois.
NA : – En général il comprend ?
ELA : – Non, mais après lui avoir demandé de placer un siège à côté du mien, je commence par lui dire « Bonjour Cher Collègue»
NA : – Donc il change de rôle, il vient à côté de toi
ELA : – Il vient à côté de moi. Il y a un déplacement dans l’espace, nos deux fauteuils sont l’un à côté de l’autre. Je dis : « Cher collègue, vous qui connaissez bien Untel, dites-moi … vous voyez ce qu’il ou elle a dit, là, depuis le début de la séance … ». Je pose des questions, parfois je fais part de la question que je me pose … ou parfois je pose une question plus ouverte « qu’est-ce qui vient de se produire, que pensez-vous de tout cela ? »
Les étapes d’une séance de monodrame

II – Pertinence de l’utilisation du rôle-méta de co-thérapeute
1 – Moment de la proposition
D’une façon générale, dans certains moments de non pouvoir et de non savoir du client et/ou du thérapeute, l’utilisation de ce rôle-méta peut être une aide précieuse. Voici des moments qui, à l’expérience, se sont avérés être appropriés :
– blocage du client : il tourne en rond, il est coincé dans une zone émotionnelle
– questionnement du client : je me demande pourquoi… je me demande comment… ? (alternative à la question du thérapeute en retour, « et si tu te répondais à toi-même, tu te répondrais quoi ? »)
– difficulté du thérapeute : il ne sait, ne sent plus comment accompagner le client d’une manière appropriée, (familièrement : « il pédale dans la semoule »)
- ex : quand propositions, suggestions sont refusées les unes après les autres.
- ex : il ne comprend pas ce que le client désire lui communiquer
– contre-transfert du thérapeute : il ressent par ex. de la colère vis-à-vis de ce que le client vient d’exprimer, ou bien, le désir de sauver le client etc.
– doute du thérapeute : par rapport à ce qu’il a dit, à la piste qu’il suit etc.
– recherche d’options : pour sortir d’une situation problématique
2 – Non pertinence de la proposition
Notons d’abord que l’appel au co-thérapeute ne doit pas être systématique, sinon ce rôle risque d’être en quelque sorte banalisé, donc désinvesti et de perdre ainsi de sa puissance.
Le thérapeute a également besoin d’être prudent dans l’utilisation de ce rôle et ne pas solliciter le changement de rôle du client en co-thérapeute dans des moments où :
– le client est en « contact dynamique » avec ses émotions, il n’y est pas bloqué : Il y a lieu d’accompagner l’énergie dynamique du client lorsqu’elle se manifeste et non de l’interrompre.
– le client et le thérapeute sont dans une situation conflictuelle, si la partie du conflit qui se situe au présent n’a pas été d’abord reconnue comme telle au préalable, par le thérapeute. Le client pourrait en effet se sentir manipulé.
III – Ce que peut permettre l’utilisation du rôle de co-thérapeute pour le client
1 – Le développement d’un savoir être
A travers ce rôle le client va pouvoir expérimenter envers lui-même, une manière d’être facilitatrice de son propre processus, manière d’être thérapeutique constituée par l’authenticité, la considération posi tive inconditionnelle, l’empathie ou compréhension.
Ceci peut se faire, grâce à la modélisation de la manière d’être du thérapeute présent. Le cas échéant, si par ex. le co-thérapeute commence à juger le client, le thérapeute va intervenir pour le recadrer dans le rôle de co-thérapeute qui n’est pas censé juger son client.
2 – Développement de l’« empowerment » et donc de la confiance en soi
Le rôle de co-thérapeute va contribuer, de façon significative, à permettre au client de regagner du pouvoir et par voie de conséquence, de la confiance en lui-même, ce qui l’aidera à régler les difficultés qu’il rencontre. Voici comment :
A – par la prise de recul
associée à la manière d’être précédemment décrite, en lien avec ce qu’il vit en tant que client, le client-co-thérapeute va avoir accès :
– à une nouvelle manière de s’adresser à lui-même
– à un point de vue différent, extérieur à son monde émotionnel et en même temps intimement relié à ce monde, lui permettant d’avoir à la fois un regard et des sensations qui lui apportent de la lucidité par rapport à sa situation.
B – par l’adoption de la position d’expert de soi
– La ou les réponse(s) données seront la plupart du temps très appropriées.
Le client-co-thérapeute se met dans la peau de celui qui, censé savoir, a étudié la matière, la connaît, sait comment les choses fonctionnent, comment identifier les pannes et comment les réparer. S’il ne sait pas, en tant qu’expert, il a la capacité de chercher et de trouver. Dans la situation présente, il sait encore mieux que l’expert en titre – le thérapeute – car il connaît le client beaucoup mieux que le thérapeute ne le connaît. Et la position de co-thérapeute lui permet un positionnement cognitif relié à son monde émotionnel en tant que client. Il va donc plus facilement avoir accès à son savoir faire qui, relié à son savoir être, sera au service de l’ici et maintenant.
– Le client va avoir l’occasion de « s’expérimenter sachant »
Quand le client arrive en thérapie, ou il pense qu’il ne sait pas, ou / et il n’a pas accès à son « savoir interne ». En tout cas, il ne sait pas comment aller vers ce « savoir ». Le rôle de co-thérapeute – en tant que rôle d’expert – va faciliter la reliance entre lui et ce savoir. Et partant de cela, il va pouvoir, en tant que co-thérapeute, en proposant des analyses, des pistes, des réponses, des options, parfois même une seule réflexion, aider le client à sortir peu à peu de l’impuissance par rapport à ses difficultés. La confiance du client envers lui-même peut ainsi se développer lui permettant parallèlement de substituer à un centre de référence externe un centre de référence interne.
– L’accès aux ressources est facilité
Dans ce rôle, le client ne se trouve plus limité à la zone douloureuse dans laquelle il se trouve et qui parfois le prive du contact avec ses ressources internes : par la zone expert, il peut plus aisément reprendre contact avec les ressources qu’il connaît déjà, voire en découvrir de nouvelles.
C – par l’entraînement à un rôle se situant dans la zone adulte
Le client va ainsi investir et développer cet état adulte. La position d’expert – telle qu’elle est décrite ici – appartient en effet à l’état adulte. Elle fait en quelque sorte autorité mais il ne s’agit pas de l’autorité émanant de l’état-parent (cf Analyse Transactionnelle). La personne découvre, par sa propre autorité vis-à-vis d’elle-même, qu’elle peut se faire confiance.
D – par le fait d’exercer et de développer une mobilité interne
Le client fait l’expérience qu’il peut, en très peu de temps – en passant du rôle de client au rôle de co-thérapeute parfois plusieurs fois durant une séance – :
– sortir de l’état émotionnel ou cognitif dans lequel il est coincé
– entrer dans une autre zone de lui, sans se dissocier, sans se couper complètement de la zone précédente.
Cette sorte de « stretching psychique » pourra lui permettre de développer ainsi une mobilité interne. Or, nous savons que l’acquisition de cette capacité de mobilité interne est une étape importante dans le travail avec un client : cela lui permet d’avoir moins de peur d’explorer des zones difficiles, car l’expérience lui a appris qu’il peut ne pas y rester coincé.
NA : […] parfois, quand la personne est trop immergée dans une situation, une manière facilitante c’est de lui permettre de prendre ce bout de recul par la zone co-thérapeute, par laquelle elle peut regarder de plus loin, au lieu d’être complètement plongée dans la situation sans savoir comment en sortir
ELA : Bien sûr et cela peut se faire par ce changement de rôle
NA : De plus, le fait de savoir qu’elle peut sortir d’un état d’immersion, fera qu’il sera moins effrayant pour elle d’y entrer. Si elle apprend qu’elle peut sortir, ça l’aide à oser rentrer et à oser aborder.
ELA : Je pense que le développement de cette mobilité et le fait pour la personne de constater qu’elle peut rentrer et sortir dans les zones difficiles, est une étape importante dans l’évolution du processus thérapeutique. Le point, quand quelqu’un vient nous trouver c’est qu’en principe, il est coincé dans quelque chose dont il ne sort pas… et cette mobilité, c’est tout l’apprentissage de nos vies à chacun : pouvoir être mobile, passer de nos zones de souffrance à des zones de nous qui soient plus légères, puis pouvoir replonger, puis pouvoir ressortir, plus on est mobile dans tout cela, mieux on vit. C’est un apprentissage.
NA : Cela rejoint ce que Moreno disait de la pathologie, qui est un endroit figé de nous, un endroit d’où on répète de manière figée quelque chose … et là on peut le répéter mais on n’est pas figé dedans, on repère qu’on peut en sortir. On peut avoir le même pattern, mais on n’est pas coincé dedans.
E – par l’exercice de la spontanéité
Cette technique, par le caractère inhabituel de la situation qu’elle crée, permet de rompre le cycle de réflexions et de sensations, émotions, habituels. Nous avons là un contexte favorable à l’émergence de la spontanéité, voire même de la créativité.
NA : C’est l’un des aspects de la spontanéité telle que la décrit Moreno en 1977.
ELA: C’est comme si le client retrouve un bout de sa spontanéité mais par un autre rôle. Et cet autre rôle lui permet de voir la situation et de regarder comment il se situe et de devenir plus congruent, mais d’une manière plus globale, non pas seulement depuis une partie de lui.
Par ces divers moyens, le client va développer non seulement, une capacité de pouvoir, mais encore une capacité de pouvoir réaliste, car les propositions du co-thérapeute vont être soumises au client qui va pouvoir les faire siennes soit en totalité, soit simplement en partie, respectant ainsi son rythme et son écologie interne. (cf bilan p. 2)
IV – Pour le thérapeute le rôle-méta de co-thérapeute est une aide précieuse
C’est en effet un outil qui permet d’aider à sortir souvent de la zone de doute, de difficulté, de non savoir.
Comment ?
1 – En fournissant un moyen pour déployer davantage
A – L’empathie
Le client peut se sentir compris, d’autant mieux que le thérapeute peut recueillir auprès du co-thérapeute, si besoin est, des informations complémentaires, qui lui permettront d’entrevoir plus largement et plus précisément le monde du client.
Par ailleurs, lorsque le thérapeute vérifie auprès du co-thérapeute si sa compréhension du client convient et qu’il se montre prêt à mettre en question cette compréhension selon les corrections, nuances apportées par le co-thérapeute, il a des chances d’augmenter la sensation du client de se sentir compris.
B – Le non jugement
Il est renforcé par l’apport d’éléments permettant au thérapeute de mieux comprendre le client et d’être d’autant moins enclin à le juger.
C – La congruence
Dans cette situation, le thérapeute
– peut faire part – de façon appropriée – de questions, d’hypothèses, qu’il peut avoir dans son travail,
– montrer son non savoir co-existant simplement avec son savoir.
Il peut également trouver là une possibilité de gérer son contre-transfert d’une manière parfois plus simple et plus adéquate que lorsqu’il le gère directement avec le client.
2 – En aidant le thérapeute à être simplement, mais vraiment, dans son rôle de facilitateur du processus
NA : On est très rogérien à ce moment-là… je veux dire qu’au fond là, le client fait l’entier du travail, nous sommes vraiment centrés sur qui il est… le thérapeute c’est lui, au bout du compte
ELA : Et le rôle du thérapeute est vraiment de faciliter la venue du co-thérapeute dans ce moment, et par cette prise de rôle, ainsi que par ce dialogue entre le co-thérapeute et le client, de faciliter son processus en tant que client.
3 – En conservant toujours présent à l’esprit du thérapeute que le client est le meilleur expert de lui-même
ELA : Dans cette position de co-thérapeute, il va être en contact avec l’expert : en tant que co-thérapeute il est expert de lui-même alors que le thérapeute n’est plus l’expert.
NA : N’est plus vécu comme l’expert
ELA : Et même, à certains moments, n’est plus expert du tout, puisque cette technique, est extrêmement utile dans les cas, mais pas seulement, ou le thérapeute rencontre une difficulté :
il y a quelque chose que je ne sais pas faire, je ne vois pas quoi faire. Je peux faire appel au co-thérapeute. Le co-thérapeute va en principe très bien décrypter la situation, et dire « A mon avis c’est ça qu’il faudrait ». Parce que finalement en tant que thérapeute, tu interroges le co-thérapeute en disant « voilà, … l’impression que c’est cela, que voyez- vous, vous, ? J’ai l’impression que peut-être je me trompe, parce qu’il y a quelque chose que je ne vois peut-être pas … qu’en pensez-vous, cher collègue ? »
NA : Ce rôle est donc utile à la fois au client et au thérapeute parce que ce dernier obtient un soutien et plus qu’un soutien, il obtient l’expertise du client qui est le mieux placé pour savoir ce qui se passe, ce qu’il sent, ce qu’il pense et ce qu’éventuellement il faudrait.
4 – En lui donnant un outil – parmi d’autres – pour assurer la sécurité de son client, au cours de l’exploration de zones douloureuses de lui-même
ELA : Quand le client est immergé émotionnellement, que cela est trop : j’ai actuellement quelqu’un en thérapie qui va vers une zone extrêmement douloureuse, je le sais… il le sait. On va prendre les précautions qu’il faut pour que cela puisse être abordé. Une des choses que je vais pouvoir utiliser comme protection, c’est vraiment cette capacité à changer de rôle. A un moment donné, si je vois que cela me paraît trop, je vais vérifier avec le co-thérapeute. Je vais lui dire « Qu’est-ce que vous pensez ? … j’ai l’impression que là, pour lui, ça me paraît trop, qu’est-ce que vous en pensez ? Ou bien est-ce que vous pensez que … » Il va pouvoir ainsi sortir un moment de la zone délicate et y retourner s’il le juge opportun.
V – Le co-thérapeute et la relation thérapeute – client
Elle bénéficie de diverses manières de l’utilisation du co-thérapeute :
1 – Au niveau du pouvoir
A – Elle permet d’éviter la « toute dépendance » du client vis-à-vis du thérapeute.
Le thérapeute n’est plus le seul détenteur du pouvoir : la venue d’un co-thérapeute aide à sortir de la projection éventuelle du rôle du sauveur sur le thérapeute et donc de sortir, le cas échéant du triangle victime-sauveur-persécuteur et donc de la dépendance vis-à-vis du thérapeute.
Certes le thérapeute a un pouvoir, mais c’est un pouvoir limité et partagé avec le co-thérapeute.
B – Le thérapeute bénéficie ainsi d’une protection efficace par rapport à ses éventuelles prises de pouvoir sur le client.
NA : Au fond, c’est pour t’assurer de ne pas diriger, orienter ou excentrer la personne, tu vérifies auprès d’elle, à travers le co-thérapeute, si ce que tu penses, ce que tu crois, ou/et tes sensations/ perceptions correspondent à ce que le client vit à ce moment-là.
La possibilité qu’un client un peu habitué à jouer le rôle de co-thérapeute demande à jouer ce rôle spontanément, pour s’inscrire en faux par rapport à ce que dit ou fait le thérapeute n’est pas à exclure. Cela pourrait même être une expérience réparatrice pour ce client.
C – Le thérapeute et le client se retrouvent momentanément dans une position d’égalité adulte-adulte par le positionnement expert-expert et cela aide à réduire, sinon à éviter, les jeux de pouvoir
NA : Comme si à travers le rôle de co-thérapeute, le client se rend compte que le thérapeute ne veut pas du pouvoir, qu’il veut juste l’aider à aller vers son propre pouvoir. Le client obtient cette validation de son propre pouvoir à l’intérieur de la thérapie et donc le jeu de pouvoir ne se produit que peu.
2 – Au niveau du renforcement de l’alliance thérapeutique
ELA : L’aspect que je voulais surtout relever c’est que client et thérapeute deviennent de plus en plus à égalité
NA : Que cela devient une coopération, même une collaboration
ELA : Et les deux, co-thérapeute et thérapeute, sont véritablement au service du client : Ils sont donc vraiment des alliés du client. Quand on dit à une personne « aide-moi à t’aider » on fait, en quelque sorte, appel à ce co-thérapeute.
Thérapeute et client, par le biais du co-thérapeute sont physiquement côte à côte, alliés et forment ainsi une équipe susceptible, par l’union de leurs compétences, d’aider le client de la manière la plus adéquate possible.
Conclusion
On constatera que cette technique, apparemment très simple, requiert un discernement dans son utilisation. Par ailleurs, lorsqu’on commence à regarder de plus près ce qui se passe dans cette interaction, on s’aperçoit d’une part de la complexité de ce qui s’y joue et d’autre part de l’intérêt que le rôle-méta de co-thérapeute peut présenter dans le travail psychothérapeutique.
Ce texte constituant une première approche du rôle-méta du co-thérapeute en thérapie, il repose sur ma pratique de thérapeute. Il est évident que tout cela demande à être discuté, confirmé par un nombre signifiant d’expériences pratiques, étayé par des recherches et bien sûr affiné.
Bibliographie
Aujoulat, I. (2007). L’empowerment des patients atteints de maladie chronique, thèse, Louvain : Université Catholique de Louvain. (consulté le 28 septembre 2010).
Aujoulat, I., & Doumont, D. (2002). L’empowerment et l’éducation du patient (Dossier technique). Louvain: Unité RESO, Education pour la santé, Faculté de Médecine, Université Catholique de Louvain.
Bolle de Bal, M. (1996). Voyages au coeur des sciences humaines. De la reliance. Reliance et théories (Vol. 1st). Paris: L’ Harmattan.
Leutz, G.-A. (1985). Mettre sa vie en scène le psychodrame (B. Dufeu, Trans.). Paris: Desclée de Brouwer.
Loison Apter, E. (2011). Les effets psychothérapeutiques de l’activité philosophique à partir du dialogue philosophique en communauté de recherche selon Matthew Lipman. Diotime, revue internationale de didactique de la philosophie, 47,
Moreno, J. L. (1977) Psychodrama, vol. 1, 4th edn, New York: Beacon House.
Ninacs, W. A. (2002). Types et processus d’empowerment dans les initiatives de développement communautaire au Québec. Université Laval Québec, Laval. (consulté le 7 novembre 2011).
Rogers, C. R., & Kinget, G. M. (1971). Psychothérapie et relations humaines. Théorie et pratique de la thérapie non-directive (Vol. 1st) (G. M. Kinget, Trans.). Louvain: Publications Universitaires de Louvain.
Notes
Le terme client est préféré à celui de patient qui désigne la personne malade, qui est habituellement dans une position de passivité, par rapport au médecin qui est lui, dans une position d’expertise. Dans le cas présent, en tant que client, il est considéré comme expert de lui-même et actif dans le travail psychothérapeutique. Rogers, C. R., & Kinget, G. M. ,1971, pp. 50-52.
Il ne s’agit donc pas ici du co-thérapeute, tel qu’il est utilisé dans le psychodrame psychanalytique individuel, où les co-thérapeutes sont des thérapeutes qui jouent les divers rôles d’une scène.. Leutz, G.-A., 1985, pp. 48-56.
Loison Apter, 2011, p.5.
Concept polysémique, l’empowerment quant à lui, peut être défini, sous son aspect psychologique, comme « La capacité d’un individu à prendre des décisions et à exercer un contrôle sur sa vie personnelle » (Aujoulat & Doumont, 2002, p. 5). Lorsqu’une personne passe d’une situation où elle se vit comme étant impuissante par rapport à des attitudes, des comportements dont elle souffre, à une situation où elle se vit comme étant « capable de », on peut dire qu’il y a eu empowerment » Loison Apter, 2011, pp.16-17.
Bolle de Bal qui a développé le concept de reliance, le définit comme la « création de liens entre une personne et soit un système dont elle fait partie, soit l’un de ses sous-systèmes » (Bolle de Bal, 1996, p. 68). Il distingue la reliance psychologique, sociale ainsi que culturelle, écologique ou cosmique[2] (op. cit. p. 31). Sur le plan psychologique, le processus de reliance fait intrinsèquement partie du processus psychothérapeutique tel qu’il est conçu dans l’Approche Centrée sur la Personne, à la fois comme facteur psychothérapeutique – oeuvrant au sein des trois conditions – et comme effet psychothérapeutique. Nous avons vu en effet que, pour Rogers, la source de la pathologie réside dans une discrépance entre le vécu organismique et le moi perçu, le moi n’ayant plus accès à la totalité de la réponse de son organisme aux situations. On peut dire que le vécu organismique et le moi perçu sont alors en situation de « déliance » et que la reliance entre les deux, chemin de la cohérence interne, est psychothérapeutique. Loison Apter, E. ,2011, p.16.
c’est-à-dire de façon centrée, confiante dans les ressources des deux partenaires à trouver des pistes, voire même des réponses ou des éléments de réponses.
Extraits d’interview
Les extraits sont issus d’une interview d’Elisabeth Loison Apter (ELA) réalisée en mai 2007 par Norbert Apter (NA), directeur du cursus suisse de formation en psychothérapie humaniste avec accent sur le psychodrame